L' Histoire et la Butte aux Cailles

La rivière Bièvre

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La rivière Bièvre    On va encore décevoir... s'il n'y a jamais eu de cailles sur la Butte aux Cailles, il n'y a jamais eu de castors  sur les rives de la Bièvre... qu'on se le dise ! On a cherché... pas le moindre débris de fossile de castor au long des 40km de la rivière. Arrêtons de chercher une pseudo racine étymologique chez les castors (du celte beber).

[...] elle fut autrefois charmante. Entre ces deux ruisseaux s'étendaient une prairie, plantée d'arbres, et des petits étangs granulés de mouches vertes par des lentilles d'eau; des fleurs étoilaient l'herbe; des buissons de mûres enchevêtraient leurs tiges munies d'épines courbes et roses comme des griffes; le paysage était presque désert; çà et là, quelques enfants pêchaient des grenouilles; un cheval blanc paissait; près d'une chèvre, une femme alignait des cordes pour sécher du linge; la Bièvre bouillonnait, joyeuse [...]

A lire J.K. Huysmans, on regrette de ne pas avoir connu cette petite rivière du temps où elle "bouillonnait joyeuse". On doute d'ailleurs qu'il l'ait connue, nous, c'est sûr, nous ne la connaîtrons jamais.

On la sait là, sous nos pieds. Engoncée dans des tuyaux obscurs. Canalisée. Enterrée.

Ne nommait-on pas l'un de ses bras "Bièvre morte" ? Aujourd'hui, ses deux bras sont morts.  Morts et enterrés.

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Pourquoi cette décision d'enterrer une rivière ? Il aurait suffi de suivre les recommandations du Dr Hallé (1790), en mettant un terme aux activités polluantes qui la saturaient d'alun, de chlore et autres déchets. Dommage, la protection de l'environnement ne fait pas encore partie des préoccupations de l'époque.

On a peine à imaginer aujourd'hui ce chantier qui va durer quasiment 50 ans. Surtout, autour de la Butte aux Cailles, conjugué avec celui du percement de la rue de Tolbiac ! Heureusement Marville et Atget ont pensé à venir photographier ce délire pharaonique. Il faut aussi remarquer  que les chantiers, à l'époque, on connaît ! Ça dure déjà depuis quelques lustres !...

Enterrer une rivière, ça occupe ! Une rivière capricieuse de surcroît. S'il n'y a quasiment pas de courant en été, les inondations sont fréquentes et parfois redoutables (comme en 1527, 1579, 1626, 1664, 1885, 1901 ou 1910). Mais, conjuguer ce chantier avec le délire de Tolbiac, apporter 350.000 m3 de remblai, construire un viaduc de pierre 10 mètres au dessus de la rue du Moulin des Prés pour enterrer ce même pont un peu plus tard... voila bien une idée qui ne peut sortir que d'un cerveau perturbé! Essayez donc d'imaginer la Bièvre vive... son lit passe exactement 17 mètres au dessous du porche de Sainte Anne (17m, ça fait à peu près six étages !).

On doute que les habitants du coin aient été consultés. En tout cas, ça démontre qu'ils étaient alors considérés comme un paramètre négligeable... (ça n'a guère changé) . Il faut dire que Thiers les avait habitués depuis un moment aux expulsions et autres réquisitions.

D'ailleurs l'idée lumineuse d'enterrer (dans un premier temps) la Bièvre morte avec le collecteur de Gentilly date de 1878... soit un an à peine après la mort de Thiers. On ne serait pas étonné d'apprendre que Foutriquet ait été intéressé par ce nouveau projet... il y aurait probablement vu un nouveau moyen de repousser plus loin la plèbe honnie... la vile multitude.

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On le sait, la Bièvre était devenu un égout à ciel ouvert. En entrant dans Paris, à la Poterne des Peupliers, on la recevait déjà au travers d'une herse de gros barreaux. Bel accueil ! Au delà, la multitude d'ateliers, plus polluants les uns que les autres, achevaient de transformer son eau en un immonde cloaque mouvant jusqu'à la Seine.

Il y a déjà longtemps que les blanchisseries ont abandonné le terrain aux tripiers, aux teinturiers et tanneurs qui avaient eux-mêmes été chassés du quai de la Mégisserie dès le XVI° siècle.

Au fil du temps, les meuniers avaient accéléré le débit de la rivière en aménageant le bras de la Bièvre dite Vive et en lui adjoignant de nombreux biefs pour compenser le faible flux estival. La Bièvre Morte se perd alors dans les marécages de la Glacière en continuant mollement son cours vers Saint Médard où elle retrouve sa sœur vive. Elle servait toujours de déversoir à toutes les rues qu'elle croisait aux hasard de ses circonvolutions. En 1790, les recommandations du Dr Hallé de daller, de curer la rivière et de repousser les moulins hors de Paris se perdent dans le fracas de la Révolution.

Sous Charles X, la situation de la rivière ne s'est pas améliorée. Les effluves sont insupportables. On décide alors de canaliser les deux Bièvre entre des rives maçonnées et de leur adjoindre des biefs comme réserve (chasse) d'eau. La maçonnerie ne résistera pas longtemps à cette eau toujours chargée d'acides, de chaux et autres corrosifs. La pierre est rongée, les margelles s'effondrent obstruant un peu plus le cours de l'eau.

En 1878, on profite de l'arrivée du collecteur de Gentilly/Arcueil pour y diriger les eaux de la Bièvre morte. En 1881, la Ville achète le Moulin des Prés dans le seul but de le détruire. Le quartier est un tel chantier que, un peu plus un peu moins, on fait entrer la Bièvre Vive dans les collecteurs d'égout en construction. La Bièvre disparaît petit à petit. En 1935, le dernier morceau visible de la Bièvre Vive disparaît définitivement du parc Kellerman.

Il nous reste heureusement des photos... Merci Monsieur Atget !

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Aujourd'hui, à peine cent ans après son enfouissement, on nous fait croire qu'on pourrait faire réapparaître des bouts de Bièvre "bouillonnante et joyeuse" à l'air libre, une rivière pointillée de résurgences:  dans le Parc Kellerman, au long de l'île des Singes (Square Le Gall) ou au Jardin des Plantes...

Nous on veut bien y croire... avec 3 ou 4 canards et un jet d'eau (de 10h à 17h), ça ferait un peu Disneyland. On pourrait ajouter quelques babouins en souvenir de l'île des Singes et quelques lapins... On pourrait même semer la confusion en installant quelques castors besogneux pour rappeler une fausse étymologie toujours bien ancrée dans l'imaginaire collectif et renforcée par de nombreux ouvrages (cf l'ouvrage "13e Arrt, une ville dans Paris" préfacé par Chirac Jacques).

Quand on sait que la Ville (?) n'a pas été foutue de protéger l'aqueduc Médicis de la voracité des "promoteurs" immobiliers (ils promeuvent ?)... forcément, on doute.

Paroles... paroles...

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